De l’œuvre ouverte, par Jocelyne Alloucherie, plasticienne

Jocelyne Alloucherie est une plasticienne canadienne pour qui la question de l’habiter est primordiale. Créant par ses œuvres des théâtres d’apparition ouverts aux jeux de la mise en scène, Jocelyne Alloucherie cherche, dans l’élargissement du temps et de l’espace propre à la disposition de ses structures, à approfondir le mystère de notre présence. Entre reconnaissance et inconnu du territoire qu’elle invente se met en place un ordre fait de tensions, de contrastes, propices à l’éveil d’une méditation active. Dans une conférence de 1951 intitulée Bâtir, habiter, penser, le philosophe Martin Heidegger écrit : « L’espace n’est pas pour l’homme un vis-à-vis. Il n’est ni un objet extérieur, ni une expérience intérieure. Il n’y a pas les hommes et en plus de l’espace. » Par son travail, Jocelyne Alloucherie fait ainsi de l’habiter l’essence même de notre capacité à être pleinement vivant, cette demeure que fondent les poètes, ou chacun dès qu’il entreprend de questionner ce qui lui est propre, dans une identité qui est accueil et liberté. Vous avez participé en 2008 par vos images à l’élaboration d’un livre aux éditions Encre marine consacré aux pensées du mystique allemand Angelus Silesius, auteur du recueil Le pèlerin chérubinique (1676). Comment abordez-vous le territoire de la poésie ? Le principe nourrissant toute votre œuvre n’est-il pas essentiellement poétique, c’est-à-dire de l’ordre d’une attention au plus proche, dans ses formes mouvantes, son éternité et son évanescence ? Je n’en ai pas de définition de la poésie. Je crois qu’elle se retrouve partout. Ce serait une manière de regarder le monde, de le vivre : une manière d’intérioriser l’image et d’en faire ce tissu imaginaire qui puisse nous projeter au-delà de frontières concrètes et temporelles : une lunette grossissante pour laisser l’intensité d’un moment se dilater et se dépasser devant ou derrière nous.

  Consulter le document PDF